Réduire l’empreinte carbone des logements est un passage obligé si la France veut tenir ses engagements climatiques. Mais face aux 30 millions de logements à rénover, la question est de savoir si nous avons les moyens techniques, financiers et humains d’y parvenir.
Un scénario réaliste ? Rénover 700 000 logements par an — le maximum estimé selon la capacité actuelle des entreprises du bâtiment. Cela signifierait 42 ans pour rénover l’ensemble du parc. Le problème, c’est que le budget carbone alloué au secteur du logement ne survivra pas aussi longtemps. Même en intégrant les émissions liées aux travaux eux-mêmes (matériaux, transports, équipements), les chiffres restent vertigineux. On estime à 50 millions de tonnes équivalent CO₂ le coût carbone de la rénovation du parc entier. C’est un bon point : ce chiffre rentre dans le budget alloué aux logements. Mais il faut aussi considérer les émissions continues des logements pendant ces 42 années de transition, estimées à 900 millions de tonnes, soit trois fois le budget disponible.
En d’autres termes, sans accélération et amélioration radicale des rénovations, la France ne pourra pas respecter l’accord de Paris, même avec des rénovations massives. Car dans les faits, tous les logements ne pourront pas atteindre la classe A : ponts thermiques, planchers difficiles à isoler, contraintes patrimoniales ou architecturales sont autant de freins. Le coût peut dépasser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une maison classée G, sans compter les efforts de coordination nécessaires. Cela dit, certains bâtiments rénovés de manière exemplaire montrent qu’il est possible d’atteindre des résultats impressionnants. Par exemple, un immeuble rénové à Raon-l’Étape (Vosges) en 2010 a vu ses performances énergétiques transformées pour un coût de 1 116 €/m². Des équipements performants (pompes à chaleur, chaudières bois, ventilation double flux) et une isolation renforcée ont permis d’approcher les standards des constructions neuves à énergie positive. Mais l’effort doit être collectif. La rénovation ne se limite pas à quelques gestes ou à des comportements sobres. Elle nécessite des investissements massifs, un accompagnement public solide et la mobilisation de toute la filière du bâtiment. La formation des artisans, la planification des travaux, l’harmonisation des aides : tout cela doit évoluer. Les vagues de chaleur à répétition, les prix de l’énergie en hausse et la précarité énergétique montrent que le statu quo n’est plus tenable. L’idée que l’électrification généralisée (et même le nucléaire) pourra suffire est trompeuse : les pics de consommation hivernale rendraient le système ingérable.
Agir dès maintenant est donc essentiel. Une rénovation plus ambitieuse, plus rapide et plus performante est non seulement possible, mais vitale pour maintenir notre qualité de vie… et une planète habitable.